Le Pays de l'horizon lointain
De retour en Écosse, il rencontre l’amour : Fiona, qu’il épouse et promet de toujours aimer…
Ce roman questionne l’inscription de l’histoire individuelle dans l’Histoire. Il souligne la rencontre de l’ordinaire et de l’historique, questionne la nature du monde et celle du réel, la place de l’homme en leur sein : voilà ce que sont les grands et les petits événements, l’Histoire et la vie de chacun.
Éditions Joëlle Losfeld
Le point de vue de l'auteur
Mais raconter les moments-clefs de la vie d’un homme, raconter des histoires crédibles, originales ou étranges ne suffit pas. Ce qui importe, c’est la manière dont on les écrit, c’est une affaire de voix et de styles. C’est le travail et l’œuvre de l’écrivain.
Je voudrais juste partager ici quelques minuscules faits qui ont contribué à l’écriture de ce roman. Quelques faits parmi la quantité considérable de documentation lue, utilisée, digérée, transposée…
L'exécution de Deacon Brodie
Adam de Cardonnel
Série sur les monnaies d'Écosse
Rien
Le 14 juillet 1789, le jour de la prise de la Bastille, Louis XVI écrit:
« Mardy… … 14 Rien » dans son journal. J’ai envie de dire que… tout est dit par cette annotation. Si cela ne titille pas l’imagination d’un écrivain et celle de ses lecteurs… Or ce que voit Walter Grassie ce 14 juillet 1789, ce n’est pas « rien ».
Critiques & analyses
«Grand tour» épique et piques
1789, un Écossais fait halte à Paris
Au XVIIIe siècle, la mode du «grand tour» atteint son apogée. Les jeunes hommes bien nés effectuent en Europe un voyage initiatique d’une année pour polir leurs humanités. Walter Grassie, héros de fiction né à Edimbourg en 1768 et fils de magistrat, part en 1788, une fois ses études achevées, visiter le «Continent». Natif d’une ville située «dans les marches du monde, à la périphérie de la guerre», il arrive dans une France qui vit l’aube de sa Révolution. Le voici donc qui plonge directement dans le grand bain. Ponctué de chapitres brefs dont les titres sont des dates, le Pays de l’horizon lointain (c’est-à-dire l’Ecosse) nous emporte aux côtés d’un Walter déboussolé. D’une subtile sobriété, suggérant une pensée tantôt sombre, tantôt ironique, l’écriture d’Alain Gnaedig embrasse un monde en mouvement et exotique aux yeux d’un calviniste que les codes latins déstabilisent. Il y a, dans le style de Gnaedig, par ailleurs traducteur et éditeur de littérature nordique chez Gallimard, une sérénité qui permet aux bouleversements observés par Walter de briller. (…)
Un homme des lumières
"Les références cachées jalonnent en effet le récit qu'Alain Gnaedig déroule à la façon d'un calendrier, avec des dates en tête des courts chapitres. Ainsi, le 21 juin 1791, Walter Grassie, maintenant revenu au pays, s'il avait "à nouveau tenu un journal", signale malicieusement le narrateur, "aurait été tenté d'écrire “rien”". À l'instar de Louis XVI le 14 juillet 1789. Ce 21 juin 1791, celui-ci était justement arrêté à Varenne…"
"Il assiste au grand spectacle d'une rupture historique, en décrit et dessine des épisodes, sans forcément en saisir tout le sens. Mais il en consigne minutieusement les symptômes, en voyageur toujours curieux. Ce fut pour lui d'abord une "orgie de sensations", en illustration du matérialisme des Lumières, pour lequel les idées ne peuvent venir que des sens. Locke n'est pas loin. Tout comme Stendhal, dans l'écriture de ce texte subtil et délicat, magistralement composé, qui interroge les modalités de notre inscription dans l'Histoire."
Un article sensible de Véronique Cassarin-Grand, paru dans L’Obs du 26 mars.
« Alain Gnaedig vit à Nantes ; mais l’horizon d’un homme qui a traduit du danois, du norvégien, du suédois et de l’anglais une centaine d’ouvrages est plus vaste que celui de son village – comme celui de Walter Grassie, héros de son troisième roman, Le Pays de l’horizon lointain.
(…) "On peut envisager Le pays de l’horizon lointain comme une mise à la question de la possibilité même d’un roman historique, de ses étouffantes reconstructions historiques documentaires. Il y aurait dans ce roman dès lors une indéniable rigueur rieuse : l’assurance de ne pouvoir parler que de ce que l’on est certain de saisir. Autant dire ce moins que rien dans lequel toutes nos vies s’écoulent."
(…) Avec une belle, c’est le cas de le dire, économie de moyen, Alain Gnaedig jamais ne se perd dans le détail ou le superflu. Ses phrases lapidaires décrivent pourtant néanmoins la fin d’un monde, l’éclosion incertaine d’une mentalité nouvelle. (…) Le pays de l’horizon lointain apporte une touchante explication à cette croyance, maçonnique, du symbole dans toute chose : une angoisse temporelle dont Alain Gnaedig nous fait toucher du doigt. (…) L’Histoire ne se répète pas, il lui arrive pourtant de bégayer. On sait rien de la vie d’un homme, le roman nous le rend dans ses silences et dans sa certitude du trop tard. Une phrase s’impose comme un mantra : il est tard sur la terre. Dans l’illusion et l’opium, Walter peut avoir un instant l’illusion d’arriver à un monde en éclosion, une terre où il serait tôt. La vie ne tarde jamais à imposer ses deuils, aucun individu ne se confond jamais totalement avec une période historique. (…)
Tout romancier, in fine, ne fait pas mieux que Walter Grassie : il paie en fausse-monnaie son acharné refus du temps perdu. Insistons encore sur le fait que Le pays de l’horizon lointain parvient à n’être pourtant nullement théorique : le lecteur se laisse porter par les autres évidences effleurées dans le voyage par Walter, sa quête des sens, son amour éperdu et l’élégante mélancolie qui enchante les pages de ce bref roman.
À l’heure où les librairies rouvrent ou ré-ouvrent, je vous recommande ce roman dont la petite musique ne vous quittera pas de sitôt … au fil du récit, il y a du rythme et de l’entrain, mais aussi une douce mélancolie, comme le léger épanchement de notre planète qui fait dire plusieurs fois à l’auteur « qu’il est tard sur la terre. » Définitivement trop tard !
Lisez et vous comprendrez pourquoi tout est symbole. That’s it !
"Comment un jeune Ecossais de bon aloi, nommé Walter Grassie, avocat autant qu’amoureux, regarde-t-il vivre l’Europe du XVIIIe siècle ? C’est ce que raconte le petit livre d’Alain Gnaedig, au joli titre Le Pays de l’horizon lointain. "
(…)
Mais ce n’est pas Stendhal qui écrit, malgré quelques analogies, c’est bien Alain Gnaedig, qui fait danser la grande Histoire avec la petite. Et il raconte avec charme et finesse « cette orgie de sensations » dont notre Ecossais est si friand. Au-delà du récit lui-même, il peint une vie d’homme, presqu’ordinaire, s’il n’était si sympathique et curieux de tout. Simple voyageur dans le temps et dans l’espace, il est une parfaite illustration, en ces temps bien troublés, de la capacité de l’homme à choisir son destin.
Didier Ters
C’est un livre peu ordinaire que publie Joelle Losfeld.
Avec Le pays de l’horizon lointain, Alain Gnaedig, auteur et éditeur nous raconte l’histoire de Walter Grassie, un écossais qui voit le jour en 1768. Sa naissance dans un milieu aristocratique est marquée par la mort de sa mère qui perd la vie en lui donnant la sienne. (…)
Ce court roman rythmé sur le temps. De très brefs chapitres ciselés, sculptés montrent la vie d’un homme, son histoire dans la grande Histoire. Quel effet l’Histoire peut-elle avoir sur le devenir et les destinées des êtres ordinaires ? Il était horriblement tard sur terre. Avec ici et là, des conclusions de chapitre – l’idée du temps passé ou à venir– qui reviennent de façon lancinante. Nous ne pouvons rien face à cette fuite du temps, sauf lire, relire, ausculter ce pays de l’horizon lointain. Nous venons de là…
Fasse pour chacun qu’il ne soit pas trop tard sur cette terre !
Les libraires en parlent…
Sarah - L'embarcadère
Un épisode du Journal de Lecture de Mérédith Le Dez, écrivain et libraire au Pain des Rêves, à Saint-Brieuc.
Alain Gnaedig est traducteur et éditeur pour le domaine scandinave de la collection "Du monde entier" aux éditions Gallimard. Il est aussi romancier mais c'est avec ce troisième roman que nous découvrons son écriture, et nul doute que bientôt nous lirons ses deux premiers livres "Opus incertum" (Calmann-Lévy, 2000) et "L'Homme armé" (L'Arbre vengeur, 2011).
Aucune faiblesse de style dans ce roman maîtrisé - il faut le souligner car c'est bien rare - construit en courts chapitres qui relatent selon l'ordre du calendrier le destin d'un Ecossais, Walter Grassie, de sa naissance en 1768 (comme Chateaubriand...) jusqu'à sa mort en 1818. Notre héros issu d'une riche famille d'Edimbourg, destiné à devenir avocat, reçoit une solide éducation protestante avant de parfaire sa formation en Europe, à l'occasion d'un Grand Tour, idée très en vogue à l'époque. Nous sommes alors en ... 1789 et Walter Grassie reviendra chez lui en 1791, le 21 juin, jour de l'arrestation à Varennes de Louis XVI...
"Le pays de l'horizon lointain" est un roman ciselé qui ne cède en rien aux facilités narcissiques en vogue. Nous vous en recommandons vivement la lecture!
Coup de cœur de la librairie Durance à Nantes
Né au 18e siècle dans une famille écossaise fortunée et prospère, orphelin de mère, Walter Grassie grandit dans la tradition protestante. Son père, « qui incarne à lui seul la race des pense-petit », sa tante imbue de religion et son grand-père, avocat, partisan du progrès et qui détonne dans cette lignée par son ouverture d’esprit, donnent à Walter une vision contrastée du monde.
Walter, une fois ses études achevées, entreprend un voyage d’éducation ; il quitte Edimbourg pour l’Europe. A Paris qu’il quitte de façon précipitée pendant la Révolution « quelque chose de pourri au royaume de France », il voit le sang et goûte au parfum sulfureux des salons. Il gagne la Suisse où il trouve le loisir de parfaire ses connaissances et de prolonger les plaisirs. En Italie, c’est une vision de richesse, la profusion « d’épices, de vices, d’ors et de trésors », un tourbillon de curiosités pour les esprits les plus insatiables. Il y apprend à apaiser tous les problèmes humains en goûtant l’opium et sa pensée se brouille, vision kaléidoscopique d’un monde fragmenté, avec « potences et gibets » mêlés aux visages et aux corps des femmes.
Il y a des odeurs entêtantes et de doux parfums qui saisissent le lecteur tout au long de ce roman érudit et d’une écriture très élégante.
Hélène