Choses vues - Les clichés ont la vie dure - Janvier 2023
Les clichés ont la vie dure, de l’églantine au chêne pourpre, de Pomport à Saint-Florent, les deux-chevaux transportent sur toutes les places des marchés le même autrefois, le même futur.
Ce sont des instants sur les rives de l’Erdre, cette rivière qui rime inconsciemment avec « perdre »…
— « L’homme commence sa lettre et l’écrit se continue, fastidieux, déplorant inconsciemment cette fatalité analyste qui est engendrée par le doute moderne. »
Parfois, on ne sait ce qui commente quoi. La photo ou le texte. J’ai traduit ce poème de Lars Gustafsson qui s’accorde avec l’image prise en Suède un jour d'août. —
Ce sera un jour
Ce sera un jour du début août les hirondelles seront loin mais quelque part un bourdon cherchera son chemin à l’ombre du framboisier
Un vent léger mais pas obstiné Passera sur les prairies du mois d'août
Tu seras là mais il ne faut pas que tu parles trop juste que tu me caresses les cheveux Et que tu me regardes dans les yeux
Avec ce petit sourire au coin de l'œil Et puis je verrai non sans soulagement
ce monde disparaître
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För mina nordiska vänner som vill läsa originalet av Lars Gustafsson (En tid I Xanadu, Natur & Kultur, 2002):
Det skall vara en dag
Det skall vara en dag i början av augusti svalorna borta men någonstans en humla kvar som prövar sin stråke i hallonskuggan
En lätt men inte envis vind skall gå över augusti månads ängar
Du skall vara där men du skall inte tala så mycket bara stryka litet över mitt hår och se mig i ögonen
med det där lilla leendet längst inne i ögonvrån Och så vill jag inte utan lättnad
Choses vues - Lumières de Loire - février 2023 J’aime cette photo prise en face de Saint-Florent-le-Vieil, à un moment où la lumière du jour va presque totalement disparaître, moment où la lumière artificielle est déjà allumée sur les quais. J’aime cette photo pour son noir et ses couleurs, et pour le monde en silhouette. J’aime cette photo parce qu’elle montre le côté asocial de celui qui aime prendre des images et montrer le monde lorsque presque tout le monde est chez lui. Ce « montreur » peut être photographe, reporter, artiste, écrivain, ou simple témoin. Une photo qui en vaut la peine doit capter un instant décisif et raconter une histoire, instaurer de la distance avec le « sujet » et cependant permettre au spectateur de s’identifier à la scène, ou de rêver, voire de s’échapper.
Choses vues - Clap de fin - février 2023 C’est le clap de fin à la Maison Julien Gracq. Ce mois de résidence est passé très vite, peut-être trop vite… En tout cas, ce fut un mois de rencontres et de découvertes passionnantes, à la Maison et autour. Ce fut un mois productif, avec un roman terminé et deux autres projets en cours.
Un des plus grands poètes de notre temps vient de disparaître aujourd’hui. Henrik Nordbrandt est l’auteur d’une œuvre considérable, hélas peu traduite en français, qui explore le monde et la langue sans concession. Avec C.G. Bjurström, nous en avons traduit et publié un peu pour la revue Nrf. Je l’ai rencontré à Copenhague, grâce à son éditeur Hans Jørgen Brøndum, et il me laisse ce souvenir impérissable d’un homme habité par la poésie et d’une élégance peu commune.
Dans Støvets tyngde (Le Poids de la poussière) il écrivait: « Face à moi, il y a la mer, derrière moi, les mots. »